Conférencier et formateur sur la drépanocytose, Ange Ngonde est médecin diplômé de l’Université de Kinshasa promotion 2003. Détenteur d’un master en médecine de famille ponctué par un stage de mise à niveau à Harvard médical School en 2018. Il est un soldat de la première heure dans la lutte contre la drépanocytose ayant participé aux forums de la Drépanocytose notamment en Inde en 2010 durant les Centenaires de la découverte de la Drépanocytose avec l’OILD, plusieurs congrès de REDAC (Tanzanie 2012, Ouganda 2016.), à Strasbourg (2013, 2015) avec un stage à Kremlin Bicêtre à Paris (2015). Diplômé en drépanocytose à l’Université Paris-Est Créteil en 2019 et participant à l’Initiative pour la Drépanocytose en Afrique en 2019 à Paris. Il est Coordonnateur de la plateforme de la société civile pour la lutte contre la drépanocytose, REZODREPANO SS. Et Epidémiologiste avec AFENET en 2022.
Issu d’une famille des drépanocytaires, Ange Ngonde dit avoir été témoin au premier rang des dégâts que peut occasionner cette maladie, et c’est donc suite à cette mauvaise expérience qu’il a développé une passion pour la drépanocytose. Dans les temps anciens, en Afrique, la drépanocytose était considérée comme une malédiction ou encore un mauvais sort dont les victimes ne pouvaient pas vivre au-delà de 18 ans. Il voulait donc arrêter ce fléau dans sa grande famille. Ainsi, il va s’inscrire à la faculté de médecine à l’Université de Kinshasa pour essayer de comprendre la drépanocytose et ses conséquences. Arrivé à la fin de ses études, grande fut sa déception lorsqu’il réalisa que ce qu’il avait appris sur la drépanocytose était minime car c’est une notion abondante. Ce qui fait qu’en sortant de la faculté de médecine, il est resté sur sa soif. Il va donc participer à des séances de formations sur la drépanocytose organisées par le Professeur Tshilolo du Centre Hospitalier Monkole à Kinshasa. C’est à partir de là que le Docteur Ange Ngonde va se donner à la drépanocytose. En 2012, il va se voir porter aux commandes de la plateforme des associations luttant contre la Drépanocytose, REZODREPANO SS, dont le mobile était de rassembler tous les acteurs impliqués dans la lutte contre la drépanocytose qui travaillaient en solo dans une seule plateforme afin que tous ensembles puissent mener des actions communes.
(Ndlr : Il sied de signaler que c’est surtout grâce à la générosité du Père Henri de la Kethulle qui a énormément contribué à la création de cette plateforme constituée des médecins, des malades et des parents des enfants drépanocytaires). Cette plateforme a pour objectifs : faire connaitre la drépanocytose, améliorer la vie des drépanocytaires par la prévention, la sensibilisation, le dépistage précoce afin de réduire la prévalence, et enfin traiter et accompagner les personnes souffrant de la drépanocytose.
Quid sur la drépanocytose ?
La drépanocytose autrement appelée anémie falciforme est une maladie génétique du sang qui affecte l’hémoglobine, principale protéine du globule rouge. L’hémoglobine transporte l’oxygène depuis les poumons vers les tissus et participe à l’élimination du dioxyde de carbone. Dans la drépanocytose, la forme anormale adoptée par cette protéine engendre des déformations des globules rouges qui deviennent fragiles et rigides. Elle se manifeste par : des crises vasoocclusives (Ndlr : la crise vasoocclusive est une complication de la drépanocytose caractérisée par une obstruction locale de la circulation sanguine). Ces crises sont exprimées par la Douleur, une prédisposition aux infections bactériennes et une anémie hémolytique c’est-à-dire une maladie du sang qui se traduit par une baisse anormale du nombre des globules, mais il y a aussi un retard staturo pondéral dans l’enfance. Pour avoir un drépanocytaire, il faut que les deux parents, de manière inclusive aient cette tare qui est l’hémoglobine S. La drépanocytose est la première maladie héréditaire au monde avec une espérance de vie de 40 à 60 ans dans les pays développés. En République Démocratique du Congo, le taux de naissance d’enfants drépanocytaires est estimé à près de 50 000 par an.
Au bout des dix années à la tête du REZODREPANO SS, Ange Ngonde dit avoir mené beaucoup d’actions pour la lutte contre la drépanocytose au sein de la communauté congolaise, et cela doit être perpétué par les générations à venir. Tous les 19 juin de ces dix dernières années, Ange Ngonde au travers sa plateforme a organisé des activités de grandes envergures qui consistaient à la sensibilisation de la population, au dépistage gratuit des jeunes et des enfants, campagnes des dons bénévoles de sang par solidarité aux drépanocytaires. En 2017, avec l’aide des partenaires, cette plateforme a organisé la première conférence nationale de la drépanocytose en RDC. Ils ont également mis en place des unités de prise en charge de proximité de la drépanocytose notamment à l’Hôpital Général de Référence de Makala (Ex. Sanatorium) et un cabinet de médecine de famille orienté sur les soins de la drépanocytose au sein du Centre de Rééducation pour handicapés physiques dans la ville province de Kinshasa. Pour le Docteur Ngonde, il faudrait étendre la sensibilisation sur la drépanocytose, qu’il y ait un dépistage systématique des femmes enceintes, des bébés à la maternité et des enfants lors des consultations préscolaires (CPS en sigle). L’accessibilité des tests de dépistage et des médicaments essentiels relatifs aux drépanocytaires l’Acide folique, la Pénicilline V orale, l’Hydroxyurée (Hydréa ou Sicklos), les antalgiques, comme c’est le cas pour la tuberculose et le VIH.
Parmi les difficultés rencontrées, Ange Ngonde soulève le manque de financement car pour mener à bien leurs actions, ils doivent compter sur la bonne volonté des différents partenaires. Dans cette lutte acharnée contre la drépanocytose, il reste beaucoup à faire. Il ne suffit pas d’avoir un programme de lutte, il faut surtout lui doter les moyens pour accomplir sa politique. Pour cela, il faudrait mettre beaucoup plus de moyens dans la sensibilisation de la population, l’accessibilité aux tests de dépistage et aux médicaments essentiels et spécifiques. Le gouvernement congolais doit faire un effort d’intégrer la drépanocytose dans les soins de santé primaire. Sachant que 30% de la population est AS, créer des centres spécifiques pour la drépanocytose ne suffirait pas. Le taux de mortalité des enfants drépanocytaires de 0 à 5 ans est de 90% sans intervention.
La drépanocytose est une maladie très présente dans nos milieux mais malheureusement, elle ne bénéficie pas de l’attention d’une part de la population, et de l’autre part des décideurs. Les déclarations seules ne suffisent pas. Il faut mener des actions sur terrain. Le REZODREPANO SS est disposé à accompagner l’État congolais en apportant son expertise pour sensibilisation la population, formation des prestataires des soins (car un drépanocytaire doit être pris en charge dans son environnement immédiat) et le suivi des enfants drépanocytaires. La drépanocytose demeure la première maladie génétique au monde et nécessite une attention particulière et un suivi de près à l’endroit de ceux qui en sont porteurs, mais surtout des drépanocytaires.
Prisca ALISI