Négociateur Senior de la RDC sur les questions de climat, l’Ambassadeur Tosi Mpanu Mpanu, a mené le groupe de négociateurs africains (GAN) en 2010 et 2011 lors des sommets de Cancun et de Durban sur le climat. Membre honoraire du Conseil d’Administration du Fonds vert pour le climat, basé en Corée du Sud, il a co-présidé le groupe de Pays les moins avancés (PMA) lors de la COP21 de Paris en 2015 et a présidé les travaux de l’Organe Scientifique de Conseil Scientifique et Technologique à la Cop 26 de Glasgow. Il est marié et père de 4 enfants.
Né à Paris en mai 1974, Tosi Mpanu Mpanu est économiste de formation. Il possède une maîtrise en Gestion des Affaires de George Washington University et une maîtrise en Études Européennes et Relations Internationales de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il débute sa carrière professionnelle à la Banque Mondiale en 2000 en tant que consultant avant de revenir en RDC. Faisant partie de 26 personnalités élevées, à titre exceptionnel au rang d’Ambassadeur en décembre 2018, Tosi Mpanu Mpanu a exercé diverses fonctions au ministère de l’environnement de 2007 à 2019, a été conseiller principal du premier ministre pour l’environnement de décembre 2016 à juin 2017, et occupe la fonction de directeur Conformité, Hygiène, Santé, Sécurité et Environnement de l’Entreprise Générale de Cobalt, EGC en sigle ; depuis mars 2021.
Revenu de la COP26, il explique que cette conférence avait quatre objectifs. Le premier était celui de rehausser le niveau d’ambition collectif en termes d’atténuation de l’impact du réchauffement climatique dans le monde. Dans le cadre de cet objectif, la RDC a présenté sa nouvelle contribution déterminée au niveau national qui est revue de 17% à 21% d’ici 2030, soit 4% de plus que lors de la signature de l’accord de Paris.
Le deuxième objectif était celui de renforcer les moyens d’adaptation pour rendre les pays plus résilients face aux effets néfastes du changement climatique. À ce sujet, l’expert renseigne qu’il y a eu des décisions importantes sur le renflouement du Fonds pour l’Adaptation qui a enregistré des engagements de l’ordre de 356 millions de dollars, soit le triple des objectifs que le fonds s’était assignés pour 2022. D’autres engagements financiers ont été pris en faveur du Fonds pour les Pays les Moins Avancés de l’ordre de 413 millions de dollars.
Le troisième objectif était celui de mobiliser les moyens financiers. Il s’agissait de voir comment atteindre l’objectif de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, objectif établi en 2009 à la COP15 de Copenhague. Malheureusement cet objectif peine à être atteint. La RDC a fait un plaidoyer pour que les pays développés mettent à disposition des contributions qui soient à la hauteur de cette ambition collective, avec comme but de rehausser cet objectif de 100 milliards de dollars à partir de 2025. Il est important de garder à l’esprit que le groupe de négociateurs africains (GAN) a fait une évaluation des besoins financiers annuels pour l’action climatique des pays en développement qui se chiffre entre 750 et 1.300 milliards de dollars américains.
Le quatrième objectif était de ‘’susciter la mise en place entre les 200 États-Parties d’un esprit de collaboration, de coopération afin de finaliser les règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris en négociation depuis 2016’’.
L’enjeu sous-entendu est de faire de la RDC une destination attractive et surtout compétitive en encourageant le partenariat public-privé, la création des zones de développement et d’expansion touristique constituant des espaces dynamiques capable d’attirer les investissements sur toute la chaine de valeur touristique, la réhabilitation et la sécurisation ainsi que la numérisation du secteur en vue d’une forte mobilisation des recettes et de leur bonne affectation.
À en croire Tosi Mpanu Mpanu, la RDC est revenue de cette conférence avec un message clair, puissant et porteur : « La RDC ne fait pas partie des problèmes causant le changement climatique. La RDC est un plutôt pays solution qui, de par sa forêt tropicale humide riche de 155 millions d’hectares), stabilise le climat mondial. Par ses minerais stratégiques, la RDC va contribuer à la décarbonation de tous les mix énergétiques à travers la planète, ce qui va aider à assurer la transition écologique vers un développement plus sobre en carbone. Le pays possède également un énorme potentiel en énergies renouvelables (soit 100.000 Mw d’énergie hydroélectrique, dont 44.000 Mw pour le seul site de Inga, et 90.000 Mw de potentiel solaire, éolien, géothermique, biomasse et gaz méthane)» renseigne-t-il.
Le négociateur congolais pense qu’au fil des années le processus de négociations climatiques s’est intensifié et a grandi en complexité, sortant de la sphère purement environnementale pour s’inviter dans d’autres pans tels la compétition économique entre les États, les droits de propriété intellectuelle, la lutte d’influence géopolitique.
Par ailleurs, l’Ambassadeur Mpanu Mpanu pense que le changement climatique est aujourd’hui devenu la « première question à solidarité mondiale obligatoire ». La planète ayant une atmosphère commune, l’expert rappelle que nous avons une responsabilité collective qui implique une action coordonnée et une gestion commune. C’est dans ce contexte que la COP rassemble sur une même table les pays développés et sous-développés pour trouver des solutions collectives aux problèmes qui nous touchent tous.
D’après lui, la priorité du gouvernement congolais n’est pas de sauver la planète, mais plutôt de réduire la pauvreté et de créer les conditions d’une croissance socio-économique qui soit inclusive. Dans la poursuite de ces objectifs nationaux, si des solutions peuvent être identifiées à travers l’action climatique, alors nous serons preneurs de ces options.
Il s’agirait donc d’évaluer comment, dans le cadre de cette discussion sur le climat, les flux financiers dédiés à l’action climatique peuvent être mis à contribution pour accélérer les objectifs de développement des pays.
Quant aux dividendes que son pays a reçu à ce jour, le négociateur congolais estime que la RDC devrait recevoir plus de compensation et de financements au regard des solutions qu’elle représente aujourd’hui pour la planète. Il pense qu’au-delà des plaidoyers, le pays doit plus s’investir dans l’élaboration d’un pipeline de projets, de programmes et de politiques ambitieux et bancables démontrant de manière concrète ce qu’un dollar investi dans l’action climatique en RDC peut générer en termes de résultats et de Co-bénéfices pour la planète entière.
Pour conclure, Tosi Mpanu-Mpanu pense qu’avec la présence du Chef de l’État à la COP26 de Glasgow, le plaidoyer de la RDC a été fortement entendu. La RDC doit travailler tout au long de l’année et utiliser l’occasion qu’offre la COP comme une fenêtre d’opportunité pour faire des annonces et valoriser au mieux les atouts du pays pour en tirer une compensation adéquate.
En outre, l’expert congolais souhaite que les questions de l’environnement et du climat cessent d’être l’apanage d’un groupe restreint de privilégiées, mais qu’elles soient totalement démocratisées dans son pays et que le gouvernement mette en place un cadre réglementaire et des actions visant à mobiliser les parties prenantes non gouvernementales, telles que le secteur privé, les institutions académiques et diverses associations. Il prône ainsi d’intégrer la question du climat dans le cursus scolaire, d’investir dans les incubateurs et s’allier avec la société civile afin que la question du climat ait une appropriation de tous et une contribution de la part de tous.
Henock Kumbali
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