Le Centre Hospitalier Nganda est actuellement le seul hôpital dans l’histoire de la RDC et l’un des rares hôpitaux en Afrique centrale à proposer une prise en charge totale et intégrée des patients atteints du cancer.
Diplômé en médecine à Kasapa à Lubumbashi (ex Katanga), Dr Arnold Sulu fut assistant pendant quatre ans au service de gynécologie de ce centre médical. Commis à l’administration dudit centre, on lui confie la responsabilité des achats des matériels médicaux à l’international. Quelques années plus tard, il s’est rendu en Belgique où il obtient un master en management des institutions de santé à Solvay et un autre diplôme en économie de la santé à l’université libre de Bruxelles. C’est avec ce riche parcours qu’il se retrouve à la tête de cet hôpital.
La genèse de l’histoire
L’histoire dont découle le combat féroce que l’hôpital mène avec le cancer a débuté dans la douleur en 1997, lorsque le docteur Sulu Maseb A Mwang Stanislas, illustre médecin, président honoraire de la ligue nationale contre le cancer (LINAC) et père du docteur Arnold Sulu, va souffrir de la leucémie et sera conduit en Belgique où il va subir une greffe de moelle osseuse qui l’a aidé à se remettre de ce cancer
C’est ainsi, dans le souci de remédier aux manques récurrents de technicité et d’expertise en matière de prise en charge de la maladie du cancer en Afrique, particulièrement en RDC, explique-t-il, que l’hôpital et la famille Sulu vont se lancer dans ce combat impitoyable contre le cancer. L’hôpital va travailler pour réaliser sa vision d’être parmi les meilleurs hôpitaux d’Afrique et valoriser, par la même occasion, le made in Congo.
La prise en charge
Le centre de radiothérapie, inauguré il y a un an, par Son Excellence le Président de la République Mr Félix-Antoine Tshisekedi, fut baptisé « MUK & MASEB » en l’honneur de l’abnégation du couple Mukay et Maseb, noms des parents Sulu. Il compte trois compartiments principaux, à savoir : un simulateur scanner RT dédié, produit du consortium américain General Electric, capable de servir autant au diagnostic qu’au pré traitement ; une salle de physique médicale comprenant les dernières innovations d’analyse et qui fait le lien entre les données recueillies au pré traitement et la prescription du médecin radiothérapeute ; et un accélérateur linéaire de particules du nom de « Halcyon », l’une des dernières trouvailles du leader mondial Varian dans le domaine de la radiothérapie. Sa capacité de prise en charge peut atteindre 120 à 150 malades par jour. À en croire Dr Arnold Sulu, cette machine permettrait de traiter les patients préparés dans un créneau de cinq minutes tout en assurant une protection optimale de leurs organes sains.
L’intérêt porté à cette machine
L’intérêt que l’hôpital porte pour cette machine est à plusieurs niveaux. « En dehors du secteur de la santé où son importance saute aux yeux, l’autre intérêt est au niveau économique », explique le Dr Arnold Sulu qui estime que, la présence de cette machine au Congo est une fierté parce que le pays possède une machine qui devient un hub. Étant l’une des rares en Afrique centrale, souligne-t-il, cette machine va aider à valoriser le tourisme médical qui à son tour aura un impact dans l’économie du pays. « Les patients qui viendront dans le pays pour se faire soigner devront manger, être logés et se déplacer », a-t-il soutenu. Donc, l’hôpital crée des possibilités de revenus qui influencent directement l’économie du pays.
Selon l’invité du Magazine, par manque de registre national du cancer, il est difficile de déterminer avec certitude les données du cancer dans notre pays. Les données sont trop peu intégrées et restent malheureusement limitées au niveau hospitalier. Selon lui, les données mondiales sur le cancer en Afrique ne reflètent donc pas la situation réelle sur terrain. Les statistiques faisant, par exemple, état de près de 49 mille nouveaux cas de cancer sur le sol congolais en 2020. Par ailleurs, il rappelle que les normes voudraient qu’il y ait au moins une machine de radiothérapie par million d’habitants, mais que malheureusement aujourd’hui, l’Afrique Centrale ne couvre que 0,065% de ces besoins. « La nécessité en la matière demeure encore énorme », fait-il savoir.
Le traitement du cancer
Le combat contre le cancer est multidimensionnel. Le simple fait d’en parler dans un magazine est déjà une façon de lutter contre le cancer », poursuit-il, signalant que cette lutte passe par plusieurs axes dont la sensibilisation, le dépistage, le diagnostic, le suivi et les soins palliatifs. Dans le traitement du cancer, ajoute-t-il, il y a le traitement chirurgical où l’on pratique une intervention pour retirer partiellement ou totalement une tumeur, le traitement par chimiothérapie où on traite le patient par des produits pharmaceutiques qui agissent de manière spécifique sur les cellules cancéreuses et la radiothérapie où l’on traite les patients par des radiations. « Le traitement par radiothérapie est la spécificité qui manquait en RDC pour lutter efficacement contre le cancer. Avec la machine, on utilise les forts rayonnements qui vont être ciblés sur une tumeur et la détruire », a rassuré le Dr Sulu.
Selon les experts, 40 à 50% des personnes qui souffrent du cancer doivent passer par la radiothérapie. Ainsi, la lutte que menait le pays contre le cancer n’était pas optimale avant l’acquisition de cette machine de radiothérapie. Avec cet appareil, plusieurs types de cancer vont être pris en charge diligemment.
Depuis le lancement du centre, le traitement par radiothérapie a été prescrit chez près de 40% des nouveaux cas de cancer qui se sont présentés au centre, les deux tiers de ceux-ci s’étant par ailleurs présentés au stade terminal. Faute de moyen, plus de 50% d’entre eux n’ont pas pu recevoir ce traitement. L’hôpital espère donc beaucoup de la création depuis 2020 du Centre National de Lutte contre le Cancer et en la promesse de Son Excellence le Ministre de la Santé Dr Eteni Longondo de soigner 1000 cas de cancer en 2021 pour enfin permettre à un grand nombre de personnes de recevoir ce traitement. Signalons que le coût du traitement varie en fonction du type de cancer, du nombre de séances et de son degré de sévérité. Certains patients en stade palliatif ont, par exemple, pu bénéficier de ce traitement pour moins de deux mille dollars le cycle entier et cela, grâce à la mise en place au centre d’une Fondation.
Par ailleurs, le docteur Arnold Sulu aspire au changement du paradigme privé-public qui, selon lui, n’aide pas le système médical congolais. Il pense également, que la réussite de l’entrepreneuriat dans le domaine médical se trouve dans l’abnégation et la passion que l’on a pour la médecine.
Henock KUMBALI