Aux yeux de beaucoup dans la société congolaise, la réussite ne se limite qu’au signe extérieur de richesse ; Les voyages en classe-affaire, les habits, voitures et autres objets luxueux sont devenus des marqueurs de réussite. C’est ainsi que la notion de la réussite est dépourvue d’une dimension éthique et morale. Avec des expressions mal comprises comme : chance eloko pamba (Ndlr : l’aspiration d’un lendemain meilleur basée sur le hasard) ; tout chemin mène à Rome, la fin justifie les moyens, tous les moyens sont bons pour arriver au sommet etc. Ces expressions portées, malencontreusement par certains leaders d’opinions ont inspiré à la jeunesse congolaise, un désir de réussir par tous les moyens, même par les moyens les plus immoraux.
La société congolaise a banalisé l’importance d’avoir un bon modèle commun de réussite qui fait la promotion des valeurs humaines et sociales. Toute issue heureuse qui correspond à une volonté qu’une tierce personne avait au départ ne peut pas forcément être une réussite du point de vue sociétal. Ladite volonté de réussir est peut-être bonne mais les moyens empruntés pour y arriver sont parfois contraire à la morale, à l’éthique et même contraire à la dignité humaine. Pour l’équilibre de la société, il est impérieux que les sociétés africaines, congolaises en particulier, définissent un modèle de réussite qui favorise la promotion des valeurs importantes pour l’équilibre de la vie sociale et le respect de la dignité humaine.
De ce fait, atteindre une issue heureuse par la tricherie, la corruption, ou tous les autres moyens immoraux doivent devenir, dans nos sociétés, des éléments qui compromettent automatiquement un parcours afin de lutter contre les antivaleurs qui gangrènent nos collectivités.
Réussir, aboutissement ou processus
La réussite n’est pas uniquement l’aboutissement à un bon résultat mais l’ensemble d’un processus comprenant les méthodes en accord avec les lois qui régissent la société regroupés dans les normes éthiques et morales. Ce sont les meilleures méthodes qui amènent aux meilleurs résultats. Toutes les mauvaises méthodes qui donnent de bons résultats contribuent à un dysfonctionnement de la logique sociale et cela n’est pas une réussite. La réussite doit satisfaire l’ensemble du réel de la vie.
La question majeure de savoir ce que c’est réussir, est celle dont tous les entrepreneurs, ceux qui veulent se lancer dans l’aventure entrepreneuriale et tout être humain se posent à un moment donné de la vie. Si le manque d’une réponse adéquate est capable d’amener l’homme à passer à côté de sa mission, la présence d’une réponse donne l’essence du combat que l’on mène.
Le modèle de réussite congolais
La République Démocratique du Congo étant encore un pays à la recherche du développement, notre société doit baser son modèle de réussite sur l’homme. Le développement du capital humain, l’impact de son travail sur les autres doit rester la valeur à promouvoir dans la collectivité.
Si aujourd’hui des hommes comme Denis Mukwege sont admirés à l’international, c’est à cause de comment ils ont réussi leur vie en améliorant la qualité de vie des autres. Réussir en détruisant ses semblables est à bannir de nos sociétés.
En 2011, une étude fait par l’institut CSA qualifie Bill Gates d’emblème universel de la réussite. L’homme d’affaire américain, retiré de Microsoft est aujourd’hui considéré comme un modèle de réussite non seulement à cause des chiffres pharamineux que réalise son entreprise mais parce qu’à travers sa fondation, il contribue efficacement à l’amélioration de la santé dans le monde. Il incarne la double figure du self-made-man milliardaire et philanthrope.
Le succès d’une vie ne se mesure plus aux seules performances, mais à l’accomplissement de soi. Signe des temps, la priorité accordée à la réussite sociale et professionnelle est en net déclin. Elle a chuté de 55 à 48% entre 2007 et 2015 dans les statistiques de l’observatoire Sociovision. Réussir rime désormais avec s’accomplir. Les valeurs familiales et celles liées au respect de la vie humaine doivent être au centre du modèle de réussite congolais afin d’éviter les erreurs que les occidentaux ont fait en privilégiant les réussites personnelles en lieu et place de celle de la collectivité.
Réussir son aventure entrepreneuriale, qu’est-ce que c’est ?
Les experts dans le domaine de l’entrepreneuriat disent qu’une entreprise doit être créée pour une durée de 100ans, ce qui reviendra à dire que réussir dans l’entrepreneuriat c’est maintenir à flot une entreprise pendant 100 ans. Cette manière de voir n’est pas mauvaise, elle est même bonne. Mais créer une entreprise avec comme objectif premier atteindre les 100 ans fera en sorte que vous ne puissiez pas jouir des 99 autres années de votre exercice entrepreneurial, que votre entreprise passe à côté des besoins de leurs clients et voir même de perdre la qualité de votre produit ou service.
La réussite ne se limite pas seulement à surmonter une épreuve après une autre, elle est bien au-delà de cela, elle est un élément de la vie. Ce qui veut dire que la réussite doit avoir une dimension éthique et morale. Si la dimension éthique se limitera à concevoir la réussite dans l’ensemble des principes et des valeurs personnelles qui s’accordent à celles de la société. La morale quant à elle validera la réussite du point de vue des mœurs et au sens du bien vis-à-vis de la société.
De même, retenons que la définition de la réussite doit être personnalisée selon les valeurs que vous voulez prôner au sein de votre entreprise ou de votre organisation. Après tout ce qui précède, posez-vous la question de savoir : quelle est votre définition de la réussite ? Comment concevez-vous la réussite de votre entreprise ?
La définition de la réussite pour une aventure entrepreneuriale devrait être dans la genèse de la création d’entreprise, parce qu’une organisation qui veut réussir, mais qui n’a pas de manière explicite de définir la réussite de son business est vouée à l’échec. Vous devez définir et vous approprier vision d’une entreprise réussie.
Cette vision que vous avez de la réussite de votre business, transmettez- là à vos collaborateurs au point qu’ils l’intériorisent et que cela devienne une source de motivation de leur travail. C’est cela le premier pas vers une réussite collective. L’homme travaille mieux quand il est au service d’une idéologie que quand il est motivé uniquement par l’argent.
Henock KUMBALI