Née en 1997 à Kinshasa, Prisca Tankwey est une artiste visuelle et assistante chargée des cours au département de peinture à l’Académie des Beaux-Arts. Tout en travaillant au sein de cet établissement, la jeune artiste est aussi professionnellement active dans des projets axés sur l’art contemporain.
Issue de l’Académie des Beaux-Arts, Prisca Tankwey est dotée d’un Bac+5 en peinture. Bien que ce dernier soit son medium de prédilection, le dynamisme et le talent de la jeune artiste l’empêchent d’en exploiter qu’un seul. Ainsi, au cours de sa formation, Prisca explore d’autres mediums liés à l’art en dehors de la peinture notamment : la sculpture, l’installation, la performance, l’illustration et la photographie.
Déjà très jeune en 2014, Prisca côtoie le quotidien artistique des plus grands artistes congolais. Excitée par cet environnement où les talents et les expressions artistiques étaient diversifiés, elle s’engage alors très tôt dans le monde professionnel tentant elle aussi d’exprimer son talent. Alors qu’elle n’est encore qu’une étudiante, elle participe à des expositions transversales, en RD Congo, sur la scène internationale, à des conférences, ateliers, formations et résidences artistiques.
Elle commence donc par une première exposition collective dénommée PARTAGISME en 2015, où elle fera la connaissance de plusieurs artistes et mécènes de l’art à Kinshasa. Il sera suivi d’un stage professionnel chez KALAMA « Les ateliers réunis » où elle apprend auprès de Monsieur Henri Kalama Akulez, puis peu à peu elle s’envole vers des nouveaux horizons expérimentaux.
Confrontée à un vide, une perte qui n’a cessé d’émettre ses influences, tant sur le plan personnel qu’artistique, elle explore la notion des changements inattendus dont elle a comme point de départ le registre autobiographique. Elle explore, comme dit ci-haut, les changements : du positif au négatif, du négatif au positif, de l’ascension à la chute, du bas au sommet… les changements, les ruptures, mais aussi des questionnements sur les bouleversements brutaux et inattendus dans l’histoire de son continent et du monde… Elle provoque et propose un autre regard, autant sur les constructions sociologiques congolaises que sur les conventions universelles, au moyen de divers mediums.
Après sa licence, Prisca est tout de suite retenue en tant qu’assistante chargée des cours au département de peinture et elle pilote désormais des projets artistiques. Une distinction en graduat et une autre en deuxième licence lui vaudra cette opportunité.
Menant de front une vie professionnelle remplie des responsabilités, la jeune Prisca se retrouve souvent à piloter des projets dans lesquels il y a plusieurs hommes. Mais l’exception ne faisant pas partie de son jargon, Prisca ne se catégorise pas dans un genre précis. Elle se considère plutôt comme un être humain doté des compétences d’exercer des travaux que peuvent faire un homme ou une femme. Cet état d’esprit permet à la jeune artiste de braver les obstacles et d’atteindre ses objectifs peu importe qu’il s’agisse d’un environnement professionnel rempli d’hommes ou des femmes.
Son expression Artistique
Ayant grandi dans un pays marqué par le christianisme, les symboles religieux ont une grande importance à Kinshasa. Ce qui est perçu comme une symbolique sacrée, ce sont principalement des symboles issus du christianisme et de l’époque coloniale. Parallèlement, les symboles traditionnels et les formes d’expression artistique de l’époque précoloniale sont vus comme négatifs dans le Kinshasa chrétien d’aujourd’hui.
C’est pourquoi son travail artistique aborde des thèmes tels que les traditions chrétiennes coloniales et la tradition chrétienne congolaise contemporaine. Dans la réflexion artistique, elle essaye de revisiter l’interprétation du sacré, d’analyser les structures coloniales et néocolonialistes et de réfléchir attentivement aux aspects racistes de la religion et de la spiritualité.
Elle utilise ses bases classiques pour trouver de nouvelles formes d’expression. Elle transpose les médias classiques dans des espaces expérimentaux de pratiques artistiques contemporaines telles que la performance, la vidéo et l’art médiatique. Elle a pu développer ces espaces expérimentaux, entre autres, dans le cadre de projets artistiques collectifs tels que la Biennale Yango et le Laboratoire Kontempo, et les a partagé avec divers publics issus de différents milieux sociaux.
Ses créations faisant souvent allusion au mysticisme, à la religion et l’époque coloniale, rejoignent tout simplement le quotidien africain passant par la vie après la colonisation. D’ailleurs pour l’artiste, l’Afrique serait toujours dans une forme de néocolonialisme, une tendance assez « migrante de la colonisation ». Ainsi, dans ses réalisations, elle propose une nouvelle perception de l’Afrique qui crie retour à l’authenticité.
Le laboratoire Kontempo
Mayangani, l’installation en collaboration avec Paulvi Ngimbi, qui constitue pour elle sa meilleure réalisation exposée jusqu’à présent, développé dans le cadre du Laboratoire Kontempo édition 2021-2022.
Cette oeuvre parle du rapport traditionnel entre les perceptions et considérations du corps, perceptions physiques, biologiques et la définition des places à assigner aux individus dans les sociétés. Considérant que les discours sur la race et la noblesse du sang ont évolué, les soubassements économiques, politiques et culturels de la race et de la noblesse de sang ayant été contestés, sans que le marquage par eux des espaces n’aient été remis en question, ils ont imaginé une autre évolution possible de l’investissement des espaces, une occupation commune des espaces qui soit moins portée sur l’affirmation des pouvoirs et des privilèges et, de ce fait, plus égalitaire.
Conçue dans une logique d’interaction de médiums de divers univers artistiques, l’installation de Paulvi Ngimbi et Prisca Tankwey, crée un langage porté par les éléments hautement symboliques présents. Des questions liées aux apparences, à la spiritualité et au rapport avec le divin dans et leur environnement immédiat y abondent. Celles liées à la vie et la mort, à travers des symboles universels, tels que les crânes.
Cette grande installation mixte médias où lumières, sons et couleurs s’entrechoquent contient une sorte de coupole, inspirée des dômes ou de l’architecture ecclésiastique européenne médiévale enveloppée d’une impression de vitraux aux narrations non bibliques. Dans celle-ci, Prisca y invite les contemplateurs à des séances de conversations éclectiques sur fond d’anciennes photos familiales projetant des questionnements personnels axés sur de dénouement des complexes psychosociales écumant sa société. Une sorte d’exorcisme collectif.
Espérance DIANA