Fondatrice de « Au coin d’EMIKATE », Émilie Ndelela Kasonga est une femme entrepreneure passionnée par la cuisine. Détentrice d’un diplôme en ressources humaines et de plusieurs brevets particulièrement en hôtellerie, elle tente par ses techniques à apporter de la valeur ajoutée à la cuisine congolaise.
Native de la ville de Kisangani en République Démocratique du Congo, elle quitte son pays natal avec sa famille alors qu’elle n’était qu’une adolescente pour se réfugier en Belgique pour des raisons politiques. Après l’obtention de son baccalauréat en sciences infirmières, soit en 2002, elle quitte la Belgique pour les États-Unis pour faire des études de commerce international avec une spécialisation en Ressources Humaines. Forcée par les circonstances de payer seule ses études universitaires, elle a jonglé avec plusieurs boulots. Apprenant la maladie de sa mère en 2007, elle est retournée en Belgique en poursuivant ses études par correspondance. Elle a travaillé pendant six ans à l’Union Européenne. En 2009, après la mort de sa mère, elle met de côté ses rêves pour s’occuper de ses frères et sœurs. Passionnée par la cuisine, elle s’est décidée en 2013 de suivre une formation en hôtellerie pendant une année. « Je ne voulais pas seulement cuisiner, mais je voulais surtout apprendre la technique. Et aujourd’hui, j’applique cette technique à la cuisine congolaise » dit-elle. Après sa formation, elle s’est associée avec un de ses amis pour ouvrir un restaurant offrant de la gastronomie congolaise à Bruxelles. Le 14 Octobre 2015, elle quitte la Belgique pour retourner dans son pays après avoir vécu un mariage difficile avec son ex-mari. Elle a commencé à faire des consultances dans des évènements, elle a fait des buffets de fruits et des décorations des plats. Ensuite, elle s’est associée à un collaborateur pour créer le restaurant Fleur de Lys en 2016. Au mois de Décembre de la même année, elle est allée en Belgique pour passer ses vacances mais a été forcée de prolonger son séjour pour des raisons politiques liées à son père. En Avril 2019, elle retourne à Kinshasa et réalise qu’elle a tout perdu : son appartement, son travail. Bref, elle devait tout reprendre à zéro.
Genèse de « Au coin d’EMIKATE »
Tout commence en 2016, alors qu’elle était encore au restaurant Fleur de Lys. Elle eût l’idée de mettre des mini beignets en forme de billes accompagnés de pâte d’arachide sur les tables des clients en attente de leur plat à la place du pain et du beurre comme le font la plupart des restaurants. Une idée plutôt innovante qui a poussé non seulement les clients de Fleur de Lys mais aussi les hautes personnalités à commander ses beignets à emporter, pour des réunions, des conférences, etc. Depuis toute petite, elle a toujours aimé manger les beignets mais elle n’en mangeait pas parce que ce n’était pas bien présenté (Ndlr : les beignets ne sont pas toujours couverts et sont vendus dans des endroits sales). « Je me suis rendue compte que si les hautes personnalités ne s’autorisaient pas de manger des beignets, c’est parce que ce n’est pas bien présenté. Si on arrivait à faire des beignets propres, les gens mangeront » souligne la fondatrice de Au coin d’EMIKATE. Elle a commencé à recevoir plusieurs commandes de beignets alors qu’à l’époque, elle ne servait que de la nourriture. Petit à petit, elle eût l’idée de faire une beigneterie. En mars 2020, elle a lancé sur Facebook son projet de faire des beignets et les gens se sont mis à commander. Elle a commencé à faire des livraisons à domicile pendant le confinement. C’est en Avril 2021 qu’elle va se lancer complètement. Elle a commencé les démarches pour ouvrir un kiosque à Ma campagne dans la ville de Kinshasa. Elle est allée d’innovation en innovation : elle offre des beignets légèrement sucrés, avec des accompagnements tels que la pâte d’arachide, le piment, le chocolat, la vanille, le caramel, le beurre salé, etc. : « Moi, mon problème c’est la présentation. Je mange avec les yeux ».
Émilie souligne avoir rencontré plusieurs difficultés tout au long de son parcours entrepreneurial entre autre les difficultés financières : « Pendant que certains vous boostent, d’autres vous écrasent » s’exprime-t-elle. Elle souligne avoir commencé son activité avec un fonds de commerce de vingt dollars. Elle a acheté un peu d’huile, de la levure et de la farine. Les autres difficultés sont des problèmes liés aux matériels : les emballages. Elle est parfois obligée de commander des emballages à l’étranger car ceux qui les fabriquent localement taxent trois fois plus que la valeur normale ; problème d’électricité ; approvisionnement du gaz et la main-d’œuvre. « Lorsque vous prenez quelqu’un, vous investissez de votre temps, votre énergie, votre argent et savoir-faire pour le former, mais à un moment donné, il vous lâche » s’exprime l’entrepreneure. Elle déplore également la difficulté d’avoir des documents pour ouvrir un point de vente. Ce qui fait que jusqu’à présent, elle prépare ses beignets à partir de chez elle.
Toutefois, Émilie Ndelela se réjouit du fait que les gens l’identifient à son activité de « Maman Mikate ». Elle estime qu’en RDC, nous avons une image assez péjorative des dames qui font des beignets. « Lorsque les gens me regardent, ils ne croient pas que je vends des beignets. Pour eux, c’est juste un passe-temps alors que c’est mon gagne-pain. Ça subvient à mes besoins ».
Elle constate qu’en RDC, les entrepreneurs sont les personnes les plus vulnérables et les plus dérangées par les agents de police car il suffit à ces agents de bloquer leurs activités, ils ne sauront plus rien faire. L’entrepreneuriat est ce qui permet au peuple de vivre car la majeure partie de la population congolaise ne travaille pas mais malheureusement, il n’existe aucun système qui aide les entrepreneurs. L’État congolais devrait mettre en place un système qui encourage l’entrepreneuriat.
Confiante en l’avenir, elle espère avoir plusieurs kiosques de beigneterie, des food-truck qui font des tours dans la ville de Kinshasa. À long terme, elle aimerait parvenir à faire la différence avec les beignets du Congo « J’aimerais devenir un McDonald avec mes beignets ». Elle aimerait s’étendre dans toute la RDC voire au-delà de ses frontières. Personne ne nait bête. Aussi longtemps que la femme aura des capacités, elle pourra faire quelque chose. L’idéal serait de vivre dans un Congo où les filles ne se verront plus forcer de se prostituer pour de l’argent ou d’arrêter leurs études par manque de moyens. Avec la nouvelle technologie, on arrive à tout vendre sur les réseaux sociaux. Il est important que la femme se cherche et se découvre « Quand tu te connais, tu sais quel est ton point fort, tu pourras faire de grandes choses » a-t-elle conclu.
Prisca ALISI